Le management interculturel France - Chine est une discipline non seulement nécessaire mais critique à notre époque. Pourquoi ? Parce que les destins de ces deux pays sont de plus en plus liés, même si le phénomène est masqué par des têtes de chapitres telles que la guerre en Ukraine ou la pandémie. La France n'est d'ailleurs qu'une nation parmi d'autres à vivre cette mutation de ses relations avec l'usine du monde ; celles qui feront preuve de lucidité à temps tireront leur épingle du jeu.
Un point de vue économique
Dans l'Agefi Hebdo no 814, deux articles remarquables pointent l'essentiel du sujet : L'union européenne reste accro aux importations chinoises et des chocs d'offre répétés sont envisageables à terme. En bref, alors qu'avant 2021 la balance commerciale avec la Chine restait relativement maîtrisée, de l'ordre de -10 à -15 milliards par mois, elle a littéralement explosé en une petite année, atteignant 30 milliards par mois. Ce constat est contre-intuitif, tant l'actualité est saturée d'images de ports paralysés par la pandémie et de commentaires relatifs au grippage des chaînes logistiques, dont nous nous faisons nous-même parfois l'écho. Ce déséquilibre se combine avec une inflation elle-même nourrie par le vieillissement des populations, en particulier chinoise, comme l'explique parfaitement Véronique Riches-Flores dans le deuxième article sus-cité. De plus, la Chine ne s'intéresse pas seulement aux actifs d'infrastructures grecs ou africains, mais aussi aux actifs français soit pour y investir durablement, soit pour réaliser des plus-values tactiques (cf l'épisode de l'achat et de la revente de l'aéroport de Toulouse-Blagnac par un consortium chinois), avec une puissance de feu inégalée. L'avenir de la France ne se décide pas qu'à Paris.
Un point de vue littéraire
François Cheng est une des figures les plus légitimes pour parler de bi-culturalité ou d'interculturalité France - Chine. Né en Chine, venu en France en tant que boursier pour y faire des études, il y est resté et est devenu un écrivain célèbre s'exprimant dans ses deux langues, maternelle et d'adoption. Il est aujourd'hui académicien français. Dans son ouvrage intitulé Le dialogue, il rappelle les raisons de son choix de venir en France plutôt qu'en Grande-Bretagne, autre possibilité qui lui était offerte lorsqu'il était étudiant. Les raisons profondes qui m'ont décidé alors, presque sans hésitation, à me fixer en France, j'en vois, rétrospectivement, trois. D'abord, sa plus que célèbre littérature, riche en matières humaines et en contenus sociaux, en descriptions charnelles et analyses psychologiques, en idées et réflexions également. Ensuite, son raffinement aussi bien dans les créations artistiques que dans la vie courante, comme en témoigne son amour de la gastronomie et du vin, auquel ne saurait demeurer insensible un chinois. Un fait, enfin, qui a son importance dans la conscience, sinon dans l'inconscient, de ce dernier : la France est le pays du milieu de l'Europe occidentale. Un pays à la géographie variée, ouvert à tous les orients, ayant reçu des influences venant de tous cotés, devenu un creuset où s'entrecroisent les contradictions et les complémentarités, d'où jaillit l'irrépressible besoin de tendre vers l'universalité.
Un point de vue entrepreneurial
La Chine est une usine et un marché. Le Graal de l'entrepreneur français entreprenant et sinophile est l'export vers un écosystème de plusieurs centaines de millions de consommateurs potentiels. Dans l'histoire des relations entre entreprises françaises et chinoises, on trouve beaucoup de transferts de compétences vus comme des conditions d'accès à cette manne potentielle. Quelques déceptions notables, comme celle de Danone par exemple, tempèrent néanmoins les ardeurs des plus audacieux. Il nous parait illusoire et contre-productif d'espérer percer en Chine avec un simple objectif commercial. Celui-ci doit se doubler d'un dessein de nature interculturelle, d'une compréhension mutuelle vis-à-vis d'un modèle sociétal et environnemental dépassant les seules limites de l'entreprise. Cette vision converge avec les dynamiques des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) et RSE (responsabillité sociétale des entreprises), à l'oeuvre partout dans le monde. Il s'agit d'un sujet clé pour aborder une collaboration potentielle avec des acteurs chinois.
AimSee, l'ESN virtuelle qui parle à l'oreille des IAs
Imaginons une Entreprise de Services Numérique (ESN) à taille humaine dont les associés aiment voyager, Paris, Pékin, Dubaï, autant de centres d'affaires névralgiques où elle opère aux cotés des grands. Cette entreprise existe et a son double fictionnel, appelé AimSee, nom qui sonne comme un appel à tendre vers un objectif commun (Aim) et à visualiser son avenir (See). Le décor du dernier opus de la collection Initiatives des éditions Scenent est le quotidien d'AimSee, ESN d'un nouveau genre où chaque collaborateur a un jumeau numérique.
Carla, héroïne récurrente tout juste sortie de sa mission aux Pays-Bas au chevet d'un géant de la logistique, est en route vers la Chine où elle va relever un nouveau défi : réconcilier AimSee avec ses IAs. La fiction est à la fois plaisante et instructive, peut se lire pour se distraire ou pour apprendre, ou les deux à la fois. La postface expose de façon simple les tenants et aboutissants de dix tendances incontournables pour tout professionnel du numérique, et vise à réconcilier la vision des penseurs avec celle des acteurs du secteur : convergence entre les processus de recrutement et de formation, le numérique dans la Chine du XXIe siècle, l'apogée des centres de contact transmedia, le conseil augmenté, l'effectuation, la science-fiction au service de l'innovation, une raison d'être "tech-éthique", la bio-informatique, le laboratoire organisationnel, l'arbitrage du coût du travail, autant de voies de transformation illustrées par le parcours de Carla entre traditions de la Chine ancienne et modernisme galopant d'un Pékin survolté.
La question de la taille
Trop peu d’entreprises de taille moyenne osent exporter, investir dans des innovations en rupture ou encore affirmer une identité différenciatrice et sans complexe par rapport à la puissance intimidante des champions du CAC40. Pourtant, les PME et ETI ont des atouts décisifs.
– La souplesse : grâce à un organigramme souvent ramassé, à une culture de la relation client largement répandue y compris dans des fonctions non commerciales, ces entreprises sont capables de répondre rapidement à un nouveau besoin du marché, y compris loin de leurs bases.
– La connaissance intime des marchés ciblés : grâce à des implantations locales légères (ou multi-locales), ou un réseau pragmatique d'organisations correspondantes à taille humaine, leurs dirigeants sont à même de comprendre mieux que personne les attentes de leurs clients et prospects.
– L’énergie : les collaborateurs d’une PME identifient plus facilement l’objet et le rôle de leur structure que ceux des très grandes entreprises. Il en résulte un sentiment d’utilité plus évident et une énergie plus facile à mobiliser autour d’un projet créatif – il existe heureusement plusieurs exceptions à ce principe, donc de très grandes entreprises dont l’objet est lisible. La quête de sens reste néanmoins un besoin plus largement ressenti dans une grande structure que dans une petite…
Comment mieux exploiter ce potentiel ? Il existe un certain nombre de facteurs de succès à connaitre et partager, parmi lesquels:
– L’ouverture : pour lancer rapidement un nouveau produit ou un nouveau service, le concept d’innovation ouverte permet d’assembler des composants fabriqués ou fournis par des entreprises tierces, alliées temporaires ou durables.
– Le discernement : une innovation réussie répond à un besoin souvent non exprimé, mais réel et durablement porteur. Les Voix du client locales sont des exercices incontournables.
– La méthode : à l’heure où l’information circule plus librement que jamais, rien n’empêche une PME d’utiliser les méthodes de transformation stratégique et organisationnelle les plus pointues.
A vos commentaires !
Inked by Scenent 被場景繪製 Bèi chǎngjǐng huìzhì
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